Le village des couillons

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Les Brignou avant de se retirer comme des
sauvages au vallon des Resplugues ont habité dans la grande
ville où ils ont été malheureux comme des damnés, alors, après
s'être serré la ceinture, privé de bien de petites fantaisies
qui mettent de la patience dans le fil des jours, après bien
de petites économies ridicules, mais indispensables, ils sont
venus ici, dans ce vallon.
Pas bien loin, il y a, enfin il y avait le village, vu que
maintenant il a tellement grandi qu'il ressemble à une petite
ville. Ils l'aiment encore bien ce village, comme une seconde
patrie, mais voilà ils y vont beaucoup moins, ça leur fait le
cœur gros d'y penser, mais comment faire autrement. Au début
de leur arrivée, il n'y avait que le vieux village et les
vieux villageois, maintenant ce sont des inconnus qui n'ont
même pas le courage de se dire "bonjour", tellement le village
s'est pourri. Écartelé par là, plus meurtrière épidémie: la
politique.
Avant, les gens se disputaient pour une borne déplacée, pour
un chemin, pour une barrière, ils se disaient "vouai c'est le
papé qui a fait le chemin, alors me casse pas les
'roubignoles' à m'empêcher d'y passer. Parce que le tien de
grand-père il était moins con que toi, parce que lui aussi il
faisait un peu le chemin chez les autres et que personne lui
disait rien, alors lui il fermait sa 'téteille'.
Des fois, ça se terminait par des brouilles durables, des
fois par des coups de poings dans la "nasole", mais jamais ils
s'envoyaient de vilaines raisons politiques à la figure. On y
vivait presque en paix, c'était le village, quoi ! Ils y
allaient souvent, ils y avaient des amis, des tas d'amis ; oh
! il leur en reste quelques-uns, mais qui ont tous attrapé
l'infâme saloperie de bordel de merde de microbe, ils font de
la politique ! Alors, les Brignou ont fait marche arrière, ils
se sont complètement replié en "Suisse Provençale" aux "Resplugues",
là où personne n'ose parler de droite ou de gauche, de peur de
se prendre des baffes dans le milieu de la figure
.''Neutralité, pois-chiches et rascasses'', voilà leur
programme. Bien sur qu'ils votent toujours, mais contre !
Autant le savoir, ils ne sont jamais contents, alors les
grandes envolées politiques ça les fait caguer. Ils votent
contre tout et tous, rien que parce que leurs aïeux se sont
fait tuer pour avoir le droit de dire qu'ils étaient
mécontents.
Pour les dernières élections municipales il y a eu un pétard
d'empoignade, la vraie foire ! "vaï", tout à l'heure y avait
plus de partis politiques que d'électeurs, tellement que la
place manquait pour coller les tronches des prétendants, on
aurait dit une collection de "tafanaris" sales.
Quelle horreur ! la municipalité a été obligée de voter un
crédit en catastrophe pour faire découper vite, vite des
panneaux électoraux. Grosse question : en quoi ? en aggloméré
pas cher qui gonfle à l'eau, en contreplaqué marine qui bouge
pas, mais le prix !
Finalement on a fait les panneaux en tôle qui gonfle pas, qui
coûte moins cher que le contreplaqué marine, mais qui a
rapporté, dix pour cent à un petit malin. On a vu des
testasses de droite, de gauche, du centre, d'en haut, d'en
bas, tous avaient leur morceau de ferraille, y compris les
écolos-intellos, débarqués d'on ne sait où, qui connaissaient
"quedalle" à notre campagne, notre colline, notre nature et
qui avaient pourtant un programme qui nous plaisait, ils
disaient "le village a de graves problèmes d'assainissement,
l'égout n'en peut plus, la solution nous l'avons trouvé, notre
mot d'ordre est : pour plus caguer faut plus manger"....
De quoi ? Levée de bouclier, les paysans y vont faire de
beaux fruits pour se les empéguer sur le nombril ? l'épicerie,
la boulange, la charcutaille en panne ? allez hop, tacitement
il a été convenu que les écoles ce n'était pas l'avenir,
d'autant qu'ils avaient une couleur pas très nette, rouge-vert.
Même "Pétoule" a eu son panneau, le dernier berger avait eu
sa photo, en tenue de travail, avec derrière lui ses moutons
et la colline, c'était bien joli, on aurait dit un santon et
surtout il avait l'air tellement sincère à coté des autres
figures de poulpe ! Les autres avec leur costume, leur
cravate, leur rosette à la boutonnière, quand s'était pas une
tache de tomate….. Pétoule avait un programme réaliste,
c'était "la défense du thym et du romarin" pour que les
moutons fassent encore des pétoules parfumées et aussi la
défense de la colline pour que les moutons ils puissent se
faire un peu de promenade avec leurs petits. Pôvre Pétoule lui
qui était si connu, si aimé, il s'est mis tout le monde à dos.
- Ridicule, il faut que le village s'agrandisse, il faut
accueillir les gens des villes qui veulent dormir à la
campagne, il faut supprimer cette colline inutile, cette
garrigue inculte pour laisser la place à l'immobilier, il faut
couvrir la colline de maisons individuelles, voilà la
richesse, voilà la chance du village, si vous votez pour nous.
mais dans leurs tronches, Batistin entendait :
-Té qu'est ce qu'en va se prendre comme pognon, qu'est-ce
qu'on va leur piquer aux pauvres fauchés qui veulent leur
maison à eux.
Les autres de l'autre côté gueulaient pour les faire caguer
- Non, pas de cité dortoir, non a la spéculation ! Halte aux
banquiers ! ce qu'il faut c'est attirer des entreprises, des
petits commerces, de petits artisans faisons des Z.A.C, des
ZUP, des Z.I etc.… et dans leurs cervelles cela voulait dire
:
Faisons plaisir à tout le monde comme ça on piquera des sous
à tous.
A partir de ce jour là, tout s'est gâté, tout s'est pourri,
les voisins qui se mettaient des coups de poings pour des
bornes déplacées, ne se parlaient plus. Alors le grand jour
arriva. Celui qui avait le plus de bon sens, le plus ambitieux
programme, celui qui voulait que le village continua à vivre
tout simplement, sans trop de politique. Avec ses moutons qui
faisaient de si odorantes pétoules, le berger eut ce qu'il ne
méritait pas, il obtint cent voix. La sienne, celles des
Brignou et de leurs amis. Pétoule comprit toute la dérision
qu'il avait à vouloir faire le bonheur de ses semblables et
dans un accès de lucidité il prit la meilleure solution, il
abandonna la colline du village, aux grands projets
politiciens. Tous rigolèrent de cette colère de berger. Les
Brignou en connaissaient plusieurs qui le regrettaient déjà .
Pétoule, maintenant vit sur le sommet des collines qui
entourent le Vallon, celles qui sont trop loin du village et
qui n'intéressent pas les promoteurs. Il rencontre souvent les
Brignou et ils se marrent ensemble de son aventure électorale.
Comble de dérision, la municipalité a reconnu l'utilité de ses
moutons qui faisaient couleur locale. Le maire voulait même
qu'il vienne avec un agneau pour la messe de Noël dans la
grande église toute neuve en béton. Comme si de lui mettre des
clous dans les mains à Jésus, c'était pas suffisant, qu'il
faille encore lui faire prendre la crève dans ce froid de
morgue ! Mais lui, Pétoule, comme les Brignou préfèrent le
vieux clocher avec son vieux curé (celui qui fait des prières
pour les tomates de Miette) et té !.., même qu'ils voient
revenir à petits pas les anciens du village qui commencent à
être fatigués du village qui a trop grandit.
La colline a été ratiboisée on a fait des trous, planté du
ciment et avec l'eau ça a fait pousser les maisons. Alors, le
cimetière, la poste, le stade, la mairie, le jeu de boules, la
pharmacie, les routes, le poste de police, sont devenus trop
petits, il a fallu faire du grand, grandiose, avec des
emprunts qu'il faut rembourser trop chers et les pauvres gens
qui se sont déjà saigné une fois, ils recommencent a mettre la
main dans les économies pour payer toutes ces dépenses. Tout
cela à cause de la politique, des ambitions et surtout de
l'argent. Parce qu'on a su toutes les saloperies qu'il y avait
eu. Des pots de vin, des tonneaux vouai ! Et on a trouvé dans
la combine des ''enfévés'' de tous les bords. Depuis, les
Brignou ont le "bomi" et le village leur manque.
Mais ils ont eu une splendide compassion, le Pétoule, ce loup
solitaire a prit femme et cela à cause des jeux impurs de la
politique. Pierre, dit Pétoule savait qu'ils avaient eu toutes
les voix des gens sensés, cela était déjà une belle victoire
pour lui. Le résultat lui donnèrent la sagesse de ne plus
s'aventurer dans un monde où avec sa pureté il n'avait pas sa
place. Cela lui apporta du bon et même du très bon.
Pierre eut un gros pincement au cœur, déçu par les habitants
du village habilement attirés par les beaux parleurs, ces
bonimenteurs de l'espoir, habiles, retors, menteurs jusqu'à
l'impudeur. Pécheurs de voix, de consciences et même d'âmes.
Pétoule en garda une douleur qui l'injuria dans son cœur
d'homme simple et droit.
Pierre resta "Pétoule pour ses amis, il demeura cette pâte
d'homme qui rend tout meilleur à son contact et après le bon
de l'acceptation de son échec, arriva le très bon. Tout entier
à sa passion, à son sacerdoce, disait-il, il était toujours
célibataire. Il ne voulait pas entraîner avec lui, une
compagne, une épouse, dans les collines Provençales, ou dans
celles des Alpes. Sa vie était trop faite de rudesse de
rugosité, d'abnégation à soigner son troupeau, ses enfants
bêlants et laineux. Alors il était resté seul.
Au village on savait que de temps à autre, Pierre se rendait
aux Martigues dire un petit bonjour aux dames qui font des
balades à pieds, la nuit. Té, c'était pas romantique du tout,
c'était la part de la nature qui s'accomplit dans tous les
corps, et qu'il vaut mieux laisser se manifester. Les Brignou
savaient que cela ne suffisait pas , ne suffirait pas encore
longtemps à Pierre. Un certain moment, des observateurs en
galipettes, avaient noté la préférence de Pétoule pour une
jolie petite rousse, conquise par les maladresses de Pierre et
qui devait lui offrir plus que son corps. Mais voilà les
histoires d'amour dans ce monde, ça ne peut pas durer, un jour
la mignonne disparue, sans doute déplacée par son protecteur,
désireux de voir son gagne-pain ne plus perdre de sa
rentabilité.
Tous se rendirent compte de la peine silencieuse de Pierre,
comprirent qu'il lui manquait le principal, une femme bien à
lui . Une femme qui partagerait avec lui les trésors de la
nature, qui lirait avec lui , le soir dans le grand livre des
étoiles. Qui apprendrait l'histoire de la vie que l'on doit
aborder avec respect et humilité : la terre, le soleil, l'eau,
la précieuse pluie pour l'herbe des moutons. Ils liraient
ensemble aussi le thym , le romarin , la sarriette , la sauge,
qui mettent du velours au palais .
Une femme qui apprendrait aussi le mistral qui dessine de si
vastes tableaux avec seulement les collines et le bleu du
ciel, de ce bleu de Provence dont l'âme de Pierre avait volé
la couleur .Car Pétoule avait l'âme bleue, c'est sans doute
cela qui lui apporta l'amour.
Pierre avait troublé une femme, une très belle femme, de son
age, toute ' chamboulée' de trouver dans ce monde salie de la
politique, un coin , un refuge propre , vierge , ce paradis
s'appelait Pierre.
Voui ! La femme légitime d'un grand saligaud, d'un politicien
astucieux, qui vendait la splendeur de son épouse comme au
marché aux esclaves, elle était sa meilleure publicité, sa
beauté faisait resplendir les paroles douteuse de son mari,
elle n'eut jamais a se donner, la pensée qu'elle aurait pu le
faire suffisait .Le voyou, la traînait dans tous les meetings
politiques et tous les couillons se la 'badaient', il ne
restait qu'a encaisser les voix gagnées, ah ! Le maquereau !
Le pourri ! Il était devenu ''espécialiste'' en retournements
de vestes, à tel point que dans le quanton on le nommait '' l'estrasse''
persuadé que sa veste à force de retournements était devenu un
chiffon !
Angèle , la blonde Angèle , la femme du saligaud, avait aussi
la tache basse et ingrate d'assister aux réunions politiques
des adversaires de son talentueux mari, pour écouter et
rapporter ce qui se disait , c'était de l'espionnage .Elle
s'infiltra au début par curiosité et pour faire le jeu de son
mari, mais bien vite les aspirations rupestres de Pierre
devinrent les siennes.
Elle respira enfin de l'air frais, cela lui ouvrit les yeux
sur autre chose que des intérêts mesquins et sordides, elle
ouvrit les yeux sur la vie ! Elle devint assidue aux réunions
de Pétoule , très assidue, trop !Un jour elle demeura toute '
estrancinée', elle venait de découvrir l'âme bleue de Pierre,
où tout était si limpide.
Elle apprit sans en avoir vraiment conscience, l'histoire de
la vie , l'amour de la vie, l'amour des autres sans arrière
pensée, rien d'autre que la vie à pleins poumons et la
certitude que pour continuer sur terre il fallait l'aimer, ne
serait-ce que pour qu'elle continue à nous nourrir corps et
âme. Angèle découvrit que tout est surfait à coté de cet
essentiel, la terre ne peut nous porter que si nous sommes
dans l'amour de la vie. Toutes les envolées lyriques,
philosophiques, économiques , politiques sont des pitreries à
coté de cela .
Angèle se mit à penser ''pétoulien'', elle jeta ses belles
robes, ses souliers aiguilles, ne se maquilla plus, et fut un
des piliers politiques et bucoliques de Pierre. Elle se fondit
avec ceux , qui avaient compris le message, ceux qui
préparaient l'avenir et la résistance. Elle finit par se
persuader que Pierre était un nouveau messie. Intelligente et
avertie elle savait très clairement faire un rêve au
quotidien, mais elle ne fit rien pour ne pas y croire .
Le soir , à coté de son mari, dans le lit conjugal, elle
n'entendait plus les ronflements ambitieux de 'l'estrasse'
mais :
''Aimez les collines, aimez ce qui vous entoure, aimez les
choses simples même si elles sont dures, aimez la vie au
quotidien, aimez la sueur de vos fronts, aimez la terre, l'eau
et la promesse du blé. Aimez votre village comme le berceau de
vos jours d'hommes et de femmes , faites de cette commune une
grande maison familiale, faites pour cela des sacrifices et
vous aurez la certitude d'habiter un château, faites tous ces
efforts qui vous donneront en retour la paix !''
Angèle entendait cela et pourtant jamais Pétoule ne l'avait
jamais dit, c'était bien pou cela qu'il était un messie, un
mot valait milles mots, une idée valait toute une philosophie
et son comportement calme et posé faisaient croire à quelque
chose de beau, d'absolu..
Pierre était un cyprès , droit dans le mistral, rien ne
pouvait l'abattre parce que tout était bonté en lui. Il était
le mot 'vivre' à lui tout seul, il était aussi la recette pour
arriver à cet état. Il savait l'amour de toutes choses
vivantes et inertes, il était la pureté dans les désirs, la
joie de tout ce qui est sage , il était cette âme bleue où il
devait faire bon de s'assoupir.
L'Angle ne se jeta jamais à la tête de Pierre, mais toute ses
questions la démasquaient, poseur de piéges, Pierre mit le
pied dans le plus visible, il dut se remettre en cause :
''Tu deviens fada mon pauvre Pierre !regarde toi ! Regarde la
!Pauvre que tu es !Sale que tu es !rustique que tu es !Ne lève
pas les yeux face au soleil, tu vas t'y brûler les rétines !
Reste à ta place, avec tes moutons , tu ne vaut pas mieux ! et
puis c'est la femme d'un autre ! Même si c'est un pourri ,
elle est sa propriété ! respecte la propriété d'autrui comme
tu veux que l'on respecte la tienne , c'est le premier devoir
d'homme, respecter les autres !Et pourtant, Si j'osais ! Si un
monde ne nous séparait pas ! Si tu avais quelque chose a lui
offrir ! Mais tu n'as rien qu'un peu d'amitié qui ressemble à
beaucoup d'amour''.
Et puis un jour de grand mistral , de celui qui peut rendre
fou, Pierre eut le courage d'offrir à Angèle le peu qu'il
avait. Angèle qui était blonde le devint encore plus, Pierre
reçut en échange la beauté d'un champ de blé sous le vent.
Angèle pris sous le soleil devint couleur de pain, elle fut
aussi une étrangère pour l'autre Angèle, .
Elle ne s'en aperçut pas, mais son mari lui qui était ''espéscialiste''
en saloperies sentit qu'elle lui échappait, surtout
lorsqu'elle lui annonça qu'elle voterai pour Pétoule ! Qu'elle
belle scène il y eut la maison, tous les voisins en
profitèrent du dialogue !Le saligaud ne manifestait pas sa
colère, mais son inquiétude ! Il n'était même plus capable
d'être jaloux . Il sentait sa bonne étoile l'abandonner et se
chances électorales s'effondrer, dans un sursaut tardif de
fierté il demanda à sa femme de choisir, ce soir là c'est
Pierre qui gagna .
Angèle passa la nuit dans le grenier , certaine de la
poltronnerie de son mari a la déloger. Elle eut raison, 'l'estrasse'
ne prenait jamais de risque, Ainsi Angèle le nez dans les
étoiles lut ce soir là les même mot que Pierre. L'histoire de
la vie était parsemée de virgules et de points éclatants de
brillance. Angèle qui ne croyait plus à rien ni personne
depuis un moment, fit une prière pour le berger, mais le bon
Dieu qui n'aimait pas la politique ne l'entendit pas, même
pour celui qu'il aimait le plus dans ce village.
Le lendemain soir, après les résultats, les gagnants burent
comme des trous, c'étai la loi ! Les bistroquets se firent une
grosse recette. Les perdants, retournèrent chez eux, aigris,
amers durcis la vengeance aux tripes.
Pétoule , touché dans sa puérile foi, ne voulut pas s'arrêter
chez les Brignou, il savait y trouver des larmes d'amitié et
cela était trop difficile a supporter. Il déclina l'offre ,
prétextant que son aide berger, embauché pour le temps de
élections devait partir le soir même.. Il restait à Pétoule ,
son troupeau, sa bergerie, les étoiles le vent et tout
l'univers a aimer encore plus fort pour se consoler de ses
frères, il eut un énorme rire de dérision et il se dit :
-Pétoule, ce soir, sous le ciel il y a un seul homme heureux
et c'est toi !Parce Que tu es resté toi ! droit et sans tache
.Va, chante, tu as ce que n'ont pas les autres, la ''joie''.
Il se mit a chanter, haut et juste, puis il aperçut la
lumière de sa bergerie, lorsqu'il entendit les jappements de
son chien, son cœur sauta, son monde était bien là .Comme à
l'habitude, il poussa la porte d'un coup de pied, c'était son
luxe de savoir que la porte sans clef n'avait jamais tenté un
voleur , pour cause il n'y avait rien a voler ! Il s'attendit
a finir la soirée avec l'aide -berger devant un verre de
'fine', mais resta pétrifié. Il reçut en plein visage une
grande lueur blonde, c'était Angèle, l'Angèle de l'estrasse'.
.Elle alla à sa rencontre, le prit par la main et lui dit :
- Ta défaite ne fait honte qu'aux autres, le victorieux c'est
toi, à cause de ton âme bleue, tu verras un jour , tous les
autre la découvriront ! Non ne répond pas encore. Pierre je
t'ai pris pour un messie, tu es simplement un homme, un berger
, mais le meilleur de tous. Apprend moi ton métier, si tu le
veux, apprend moi l'amour de tout et de tous, ou dis moi de
partir de suite !
Pierre resta longtemps sans voix, les pieds rivés à la vielle
pierre, puis bégaya :
-Mais tu appartiens à à,à,à,….tu es la femme de…..je n'ai pas
le droit de te voler de faire une, une…
-Une crasserie ? Non Pierre ce serait cela que se serait
enfin un peu de justice. Mon mari ma demandé de choisir non
pas par amour , mais parce que je suis devenu inutile, je ne
lui sert plus ! Tu ne lui prends rien, je suis devenu un objet
qui va bientôt le gêner, il na même pas fait semblant de me
retenir ! Je ne lui doit rien, lui oui ! Mes plus belles
années, mes plus belles illusions perdues , a croire qu'il
pourrait changer . Pierre je ne te demande pas l' amour, mais
de me faire découvrir les chemins qui y mènent, je voudrais
que tu es la patience de m'apprendre comment peux te venir
l'auréole qui est sur toi !
Comment on devient bon avec les autres, avec les moutons avec
les hommes. Comment dans les collines on peut prendre des
bains de mistral, d'étoiles et redevenir pure !Je te demande
de m'aider toi qui es la force de la vie ! je t'en supplie….
De tout ce temps Pierre , la force de la vie, a les bras
pendants de tout du long du corps, ses mains , poids morts,
sont inertes comme des objets inutiles , et son cœur va
éclater sous le bonheur qui l'atteint, il ne croit pas, il
hésite , il ne sait plus :
-Madame…Euh.. Angèle, si vous …. Si, si tu ? Je ne sait pas !
Si, si , je sais , je veux, mais enfin ! mais quoi, comment
dire ? je te veux, sur, bien sur , mais … cette baraque pour
toi ! Et puis et puis le regard des autres !
-Ceux qui t'on rejeté !Qui rient de ta peine !Sont-ils plus
importants que moi, que nous ?
-Non mai ils vont nous juger avec leur code leur morale ,
leur haine !
- Qu'ils le fassent !J'ai , s'il le faut en réserve quelques
petites indélicatesse à leur rappeler !Mais vois tu je veux
oublier jusqu'à leurs yeux de voyeurs ! Dis moi si je dois
rester, si je peux rester.
- Oh ! Oui mon Angèle ! Même si je me sens coupable ! Je suis
trop heureux pur écouter ma conscience. ,oui, reste, en
sachant que ma vie est une vie de pauvre bougre, que c'est la
seule que je puisse t'offrir !J'aurais la patience que tu
viennes à moi avec ton cœur et ton corps, ,je ne mérite pas
les deux , pas tout de suite …
- -Pauvre toi !Tu as du pain , du lait, du fromage , quatre
salade, quelques lapins de passage, un puits, la santé , le
courage, c'est plus que ne ma accorder la vie ! Le luxe je le
quitte volontiers, il sentait si fort les égouts ! Je veux en
échange la vérité de tout, sur tout ! Et toi vas tu trouver
encore des arguments pour me refuser tes richesses ? Vas tu
refuser de prendre mon cœur , mon corps ?
Pierre fut vaincu, ses grandes mains montèrent, s'ouvrirent
et reçurent a serrer l'ondoyante blondeur d'or .Pierre y
respira toutes les promesses. Lui , le grand, le roc, la
terreur des voyous du village, lui l'endurci à tous les coups,
ouvrit son âme couleur de ciel, et tombèrent sur les joues
d'Angèle de grosses larmes de berger, de celles qui ont le
goût des collines .
Depuis, l'âme bleue et la chevelure d'or parcourent les
collines aux alentours du vallon des Resplugues, sauf l'été où
tout part à l'alpage homme, femme et bêtes.
Peuchère , au village , l'histoire fit beaucoup parler les
mauvaises langues .Le mari cocu en est devenu un peu plus
froissé,, finalement il est parti ailleurs vendre ses
mensonges. Les faux- culs ont tendu le doigt vers les
collines. Puis le temps a passé, il y a eut d'autres 'escandales'
et les doigts se sont tourné dans une autre direction. Au fil
des ans , l'histoire d'Angèle et de Pétoule s'est embellie, on
en parle maintenant, devant l'évidence de cet amour unique,
avec respect, on parle d'eux en disant ''les novis des
moutons'' tellement ils sont restés ''novis''. Ce n'est plus
de la médisance, mais de l'envie. Il leur est venu un autre
cadeau du ciel , un enfant,'d'une stupéfiante beauté, un
garçon blond aux yeux noirs ,une beauté qui n'est disputé que
par la sauvagerie du 'niston'. L'instituteur s'en inquiète,
car l'enfant parle mouton, brebis et agneau, il refuse tout
autre langage. Ce n'est que le soir qu'il s'adresse aux
animaux en langage d'homme, il leur parle de la haine qu'il a
pour :
- Ceux de là bas, ceux du village des couillons !
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